Crise de goutte : symptômes, causes et traitements
La crise de goutte représente l'une des urgences rhumatologiques les plus douloureuses et invalidantes. Selon l'Assurance Maladie, cette pathologie touche près de 2% de la population française, avec une prévalence en constante augmentation. Cette inflammation articulaire aiguë, causée par la cristallisation d'acide urique dans les articulations, nécessite une prise en charge rapide et adaptée pour limiter la souffrance du patient et prévenir les complications.
La reconnaissance précoce des symptômes et l'application immédiate des mesures thérapeutiques appropriées constituent les clés d'une gestion efficace de cette urgence médicale. Ce guide détaille les manifestations cliniques, les facteurs déclenchants et les protocoles de traitement recommandés par les autorités sanitaires.
Reconnaître les symptômes d'une crise de goutte
Douleur articulaire intense et soudaine
Le symptôme cardinal de la crise de goutte est une douleur articulaire d'intensité extrême, souvent décrite comme "insoutenable" par les patients. Cette douleur présente plusieurs caractéristiques spécifiques :
- Début brutal : La douleur survient généralement la nuit ou au petit matin
- Intensité maximale : Atteinte en quelques heures, souvent cotée 8-10/10 sur l'échelle de la douleur
- Hyperesthésie : Impossibilité de supporter le moindre contact, même celui d'un drap
- Localisation préférentielle : 70% des premières crises touchent la première articulation métatarso-phalangienne (gros orteil)
Signes inflammatoires locaux
L'articulation touchée présente les signes classiques de l'inflammation aiguë :
- Gonflement (œdème) important et rapide
- Rougeur intense de la peau sus-jacente
- Chaleur locale marquée
- Impotence fonctionnelle complète de l'articulation
Manifestations systémiques
Une étude du NIH publiée en 2023 démontre que 40% des patients présentent des signes généraux :
- Fièvre modérée (38-38,5°C)
- Malaise général
- Frissons occasionnels
- Fatigue importante
Causes et facteurs déclenchants
Hyperuricémie : la cause fondamentale
L'hyperuricémie, définie par un taux d'acide urique sanguin supérieur à 60 mg/L (360 μmol/L), constitue la condition préalable indispensable au développement d'une crise de goutte. Les recommandations de la HAS précisent que cette élévation peut résulter de :
- Surproduction d'acide urique : déficit enzymatique, syndrome de lyse tumorale
- Sous-élimination rénale : insuffisance rénale, certains médicaments
- Apports alimentaires excessifs : aliments riches en purines
Facteurs déclenchants immédiats
Plusieurs éléments peuvent précipiter une crise chez un patient hyperuricémique :
Facteurs alimentaires
- Repas riche en purines (abats, fruits de mer, gibier)
- Consommation excessive d'alcool, particulièrement la bière
- Jeûne prolongé ou régime restrictif
- Déshydratation importante
Facteurs médicamenteux
- Diurétiques thiazidiques
- Aspirine à faible dose
- Ciclosporine
- Chimiothérapies anticancéreuses
Stress physiologique
- Intervention chirurgicale
- Traumatisme local
- Infection aiguë
- Hospitalisation prolongée
Traitements d'urgence de première intention
Mesures non médicamenteuses immédiates
Repos absolu et surélévation
Le repos complet de l'articulation touchée constitue la première mesure thérapeutique. La surélévation du membre atteint favorise le drainage lymphatique et réduit l'œdème.
Cryothérapie locale
L'application de froid (15-20 minutes toutes les heures) présente plusieurs avantages :
- Effet antalgique immédiat
- Réduction de l'inflammation locale
- Limitation de la diffusion des cristaux
Important : Éviter absolument la chaleur qui aggrave l'inflammation et intensifie la douleur.
Traitements médicamenteux de première ligne
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les AINS constituent le traitement de référence selon le VIDAL. Les molécules les plus utilisées :
| Molécule | Posologie | Durée |
|---|---|---|
| Naproxène | 750 mg puis 250 mg x3/j | 5-7 jours |
| Diclofénac | 75 mg x2/j | 5-7 jours |
| Kétoprofène | 100 mg x2/j | 5-7 jours |
Contre-indications : insuffisance rénale, ulcère gastroduodénal actif, insuffisance cardiaque sévère.
Colchicine
Médicament spécifique de la goutte, particulièrement efficace si administrée précocement :
- Posologie : 1 mg immédiatement, puis 0,5 mg 1 heure après
- Puis : 0,5 mg x2-3/jour pendant 3-5 jours
- Efficacité maximale : si débutée dans les 12 premières heures
Effets secondaires : diarrhées fréquentes, nécessitant parfois une réduction de dose.
Corticostéroïdes
Réservés aux contre-indications aux AINS et à la colchicine :
- Prednisone : 30-40 mg/j pendant 3-5 jours
- Injection intra-articulaire : si mono-arthrite accessible
Pour approfondir les options thérapeutiques, consultez notre guide complet des traitements contre la goutte.
Quand consulter en urgence ?
Signes d'alarme nécessitant une consultation immédiate
Certaines situations imposent un recours urgent aux soins médicaux :
- Fièvre élevée (>38,5°C) évoquant une arthrite septique
- Atteinte polyarticulaire d'emblée
- Signes cutanés : érysipèle, cellulite
- Terrain à risque : immunodépression, diabète décompensé
- Inefficacité du traitement après 48-72 heures
Diagnostic différentiel urgent
Le diagnostic différentiel principal à éliminer est l'arthrite septique, particulièrement chez :
- Les patients diabétiques
- Les sujets immunodéprimés
- En cas de porte d'entrée cutanée
La ponction articulaire avec analyse du liquide synovial peut s'avérer nécessaire dans ces situations.
Pour connaître les gestes essentiels, référez-vous à notre article sur les gestes d'urgence lors d'une crise de goutte.
Prévention des récidives
Modifications du mode de vie
Mesures diététiques
- Réduction des aliments riches en purines
- Limitation de la consommation d'alcool
- Hydratation suffisante (2-3 L/jour)
- Contrôle du poids corporel
Activité physique
- Exercice régulier modéré
- Évitement des traumatismes articulaires répétés
Traitement hypo-uricémiant
En cas de crises récidivantes, un traitement de fond peut être nécessaire :
- Allopurinol : inhibiteur de la xanthine oxydase
- Fébuxostat : alternative en cas d'intolérance
- Objectif thérapeutique : uricémie < 60 mg/L
Évolution et pronostic
Histoire naturelle de la crise
Sans traitement, une crise de goutte évolue selon un schéma prévisible :
- Phase d'aggravation : 12-24 premières heures
- Phase de plateau : 2-7 jours d'intensité maximale
- Phase de résolution : amélioration progressive sur 7-14 jours
Avec traitement approprié, la résolution est significativement accélérée (48-72 heures).
Complications potentielles
À court terme :
- Extension de l'inflammation aux tissus périarticulaires
- Surinfection locale (rare)
À long terme :
- Arthropathie uratique chronique
- Formation de tophi
- Néphropathie uratique
Pour plus d'informations sur la gestion des crises, consultez notre guide sur comment soulager rapidement une crise de goutte.
Questions Fréquentes
Combien de temps dure une crise de goutte ?
Sans traitement, une crise dure typiquement 7 à 14 jours. Avec un traitement approprié débuté précocement, l'amélioration survient généralement en 24 à 48 heures, avec une résolution complète en 3 à 5 jours.
Peut-on marcher pendant une crise de goutte ?
Le repos absolu est fortement recommandé pendant la phase aiguë. La marche et l'appui sur l'articulation touchée aggravent l'inflammation et retardent la guérison. L'immobilisation de l'articulation fait partie intégrante du traitement.
Faut-il appliquer du chaud ou du froid ?
Le froid est recommandé exclusivement. L'application de glace (15-20 minutes par heure) réduit l'inflammation et soulage la douleur. La chaleur est formellement contre-indiquée car elle aggrave l'inflammation et intensifie la douleur.
Quels aliments éviter pendant une crise ?
Pendant une crise, évitez tous les aliments riches en purines : abats, fruits de mer, anchois, sardines, gibier. L'alcool, particulièrement la bière, doit être supprimé. Privilégiez une hydratation abondante (eau, tisanes) pour favoriser l'élimination de l'acide urique.
Une crise de goutte peut-elle récidiver ?
Sans traitement préventif approprié, 60% des patients présentent une récidive dans l'année suivant la première crise. Le contrôle de l'hyperuricémie par des mesures hygiéno-diététiques et/ou un traitement hypo-uricémiant réduit significativement ce risque.
Quand reprendre ses activités normales ?
La reprise des activités peut s'envisager lorsque la douleur a complètement disparu et que la mobilité articulaire est redevenue normale. Cette récupération survient généralement 3 à 7 jours après le début du traitement, selon la précocité de la prise en charge.